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jalousie(s)

Posted: novembre 5th, 2009 | Author: | Filed under: Murmures | 1 Comment »

en ce moment, ça m’arrive régulièrement de me sentir jaloux. j’ai toujours détesté ce sentiment. je le trouve merdique, dangereux, assez idiot. j’ai passé un bout considérable de ma vie à essayer de ne pas le faire exister. intimement et politiquement, il me pose problème parce que j’ai toujours l’impression qu’il est très lié à des logiques de contrôle, de flicage des gens. j’ai aussi souvent eu l’impression que c’était un sentiment particulièrement fort chez les garçons, et assez lié à la masculinité.

vu que je suis jaloux assez régulièrement en ce moment, j’ai passé un certain temps à y réfléchir. je me suis dit que j’avais deux jalousies différentes, une que je ressentais avec mes ami-e-s, et une que je ressentais avec les personnes (vu que je suis hétéro, ça veut dire les filles) avec lesquelles j’avais des histoires amoureuses. différentes en terme d’intensité, mais aussi dans la façon dont ça produisait des choses en moi. 

ma jalousie avec mes ami-e-s, je la ressens quand illes font des choses chouettes alors que moi je m’emmerde, ou quand illes font des choses que j’aurais beaucoup aimé faire mais que je peux pas faire avec elleux. l’élément qui déclenche cette jalousie, c’est une frustration de ne pas pouvoir faire quelque chose, doublé d’une injustice, du fait que je ne vois pas pourquoi elleux feraient ça, auraient droit à ça, sachant que moi je suis là à me morfondre. c’est pas juste, je les envie, alors je suis jaloux.

en général, c’est une jalousie assez bénigne : je l’exprime, je râle, je leur en parle, et puis je me fais une raison en trouvant des choses autres à faire. souvent après, mes ami-e-s étant souvent des gens attentioné-e-s, illes font un petit truc gentil (des pizzas, des pizzas !) pour me consoler, et ça roule. et puis, en fait, les voir raconter ça après, sentir que c’était chouette, qu’illes se sont fait plaisir et qu’illes sont plus heureux/ses après, ça me donne de la joie aussi.

l’autre jalousie, la jalousie amoureuse, elle fonctionne pas pareil. elle commence aussi avec quelque chose qui lui plaît que fait une personne que j’aime, sauf que cette fois, ce qui m’énerve, ce n’est pas tant le fait que la personne fasse des trucs plaisants et pas moi, c’est que la personne fasse des trucs plaisants sans que ça soit avec moi. y’a pas de frustration ou d’injustice en jeu, juste l’impression que la personne devrait ne faire des trucs plaisants qu’avec moi. ce qu’il y a en jeu derrière, c’est une volonté de contrôle, une paranoïa qui fait que j’ai l’impression que la personne va forcément s’éloigner inéluctablement de moi si elle commence à faire des trucs chouettes avec d’autres gens.

le point commun de ces deux sentiments qui fait que je les appelle tous les deux "jalousie", c’est qu’ils impliquent tous les deux une (ou des) personne(s) que j’aime qui fait quelque chose sans moi. la différence entre ces deux sentiments est que dans le premier cas, je prends comme un état de fait ce qui se passe, que je l’apaise comme je cherche à apaiser tous mes ressentis désagréables : en faisant des choses agréables à la place, et en en parlant, en mettant en partage ce ressenti avec d’autres gens pour lui permettre de passer ; dans le deuxième cas, je n’accepte pas ce qui se passe, je trouve qu’il faut absolument que je fasse quelque chose, sinon ça va signifier que la personne va disparaître de ma vie, et d’ailleurs elle a pas le droit de faire ce qu’elle fait, elle devrait être avec moi là tout de suite. dans le premier cas, j’ai envie de mettre en partage le sentiment avec les personnes concernées, même si je suis un peu gêné ; dans le second cas, je suis en colère et méfiant vis-à-vis de la personne en question : je la soupçonne de vouloir m’arnaquer.

je ne crois pas avoir jamais ressenti la deuxième forme de jalousie hors d’une histoire amoureuse. bien sûr, les deux sentiments ne s’excluent pas complètement, et il y a une partie de jalousie "amicale" dans mes jalousies "amoureuses" puisque je suis aussi très ami avec les personnes dont je suis amoureux. mais, même si la barrière n’est pas si tranchée que ça, je sais clairement que je ressens l’une et l’autre jalousie. je peux voir des différences claires dans mon état intérieur. dans un cas, je suis triste et un peu frustré, dans l’autre je suis apeuré, en colère et j’ai une impression d’urgence assez étouffante.

d’où elle vient cette différence ? pourquoi est-ce que ça fait une telle différence que je sois ami ou amoureux de quelqu’un-e ? je ne crois pas que ça soit une différence dans l’intimité ou la proximité que j’ai avec la personne dans les deux cas : je peux être beaucoup plus proche de certain-e-s de mes ami-e-s que de certaines des personnes avec qui j’ai eu des histoires amoureuses.

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Commentaires et interactivité

Posted: novembre 4th, 2009 | Author: | Filed under: Infos | 2 Comments »

Malheureusement, la plateforme de blog que j’utilise (c’est à dire noblogs) désactive forcément les commentaires sur les articles de plus d’un mois, en tout cas pour le moment, par mesure anti-spam. Ça veut dire que pour certains articles qui se font vieux, c’est pas possible de lancer de manière simple une discussion si vous en avez envie. Vu qu’un des buts de ce blog pour moi est de permettre des discussions autour de ce que j’essaie d’écrire, c’est assez naze …

La seule alternative (mais c’est une alternative pas très pratique) que je vois, c’est le mail attaché à ce blog, que j’essaie de lire assez régulièrement. Ce mail est marqué en bas de la page (sisi, tout en bas) mais je le redonne là, au cas où : murmures (chez) riseup (point) net Oui, c’est pas un lien cliquable, mais c’est histoire de limiter un peu les spams. Si vous avez d’autres idées meilleures, dites-moi 🙂

[Mise à jour] En fait, maintenant, les commentaires marchent à nouveau, même sur les vieux articles, donc a priori c’est bon. Comme ça, des tonnes de personnes vont pouvoir ne pas laisser de commentaires parce que personne n’avait l’intention de le faire de toute façon.


Notes de lecture – Catharine McKinnon – introduction

Posted: octobre 11th, 2009 | Author: | Filed under: Genre, patriarcat | Commentaires fermés sur Notes de lecture – Catharine McKinnon – introduction

Pfffiouu … J’ai enfin réussi à retrouver le temps d’écrire un petit peu au milieu du chaos de ma vie. Comme je l’avais dit dans mon texte précédent, je vais parler d’une auteure féministe américaine, qui s’appelle Catharine McKinnon (je met un lien vers la page française de wikipedia, mais allez voir l’anglaise si vous pouvez et que ça vous intéresse, elle est plus détaillée).

Quand j’ai entendu parler de McKinnon pour la première fois, c’était dans le cadre d’une discussion où le lieu commun des ‘féministes américaines radicales anti-sexe et anti-pornographie’ a été amené. Ce cliché est connu : au cours d’une discussion sur le harcèlement sexuel, sur le ‘politiquement correct’ (ce fameux truc dont personne ne sait vraiment ce qu’il veut dire) ou sur un épisode d’Ally McBeal, quelqu’un-e va probablement amener l’idée qu’aux USA, les ‘féministes radicales’ détestent le sexe et la pornographie et ont voulu (et réussi à) faire passer des lois là-dessus qui font que ce pays est maintenant prude, et que ça a débouché sur une vague gigantesque de procès farfelus où des ‘victimes’ prétendaient tout contrôler sur le lieu de travail. Peut-être que je suis le seul à avoir des fréquentations qui disent ce genre de choses, mais en tout cas, moi, j’ai souvent entendu cette idée. Dans ce cadre-là, en général, on parle de McKinnon (souvent avec sa camarade Andrea Dworkin) comme faisant partie du camp de ces ‘féministes anti-sexe’ étranges et incompréhensibles.

Sans y réfléchir trop, j’ai eu la même idée en tête pendant longtemps. Ça fonctionne bien parce que déjà parler des ‘féministes radicales’ c’est flou, mais alors parler des ‘féministes radicales américaines’, ça amène dans un terrain bien mystérieux, vu que, c’est bien connu, les États-Unis sont un pays étrange et mystérieux, pas vraiment comme chez nous, et qu’illes font vraiment des trucs fous, ces américain-e-s. En plus, McKinnon est juriste, et a travaillé pendant longtemps à élaborer et rendre applicables des outils légaux anti-harcèlement, ce qui, dans ma culture politique anarchiste, est une faute grave, vu que participer à l’élaboration des lois, c’est soutenir la domination étatique.

J’ai rencontré théoriquement McKinnon plus tard, sans le vouloir vraiment, au fil de mes réflexions. Comme j’en ai déjà (vaguement) parlé dans une de mes notes sur Tiqqun, l’idée qu’on se fait du pouvoir dans la culture politique qui est la mienne (anarcho-, gauchisto-, …) me semble un peu foireuse. J’ai l’impression qu’on a pas beaucoup avancé depuis le vieux Marx, pour qui le pouvoir c’était l’État, c’est-à-dire une "bande d’hommes en armes". Je crois qu’on pense par chez nous le pouvoir exclusivement en terme de "répression" : le pouvoir, il existe quand il nous empêche de faire quelque chose qu’on voudrait faire. Une fois parti de ce principe, qu’il faille tuer le flic "qui est dans nos têtes" ou l’attaquer ailleurs, ça ne change pas grand chose au fait que quand on pense pouvoir, on pense flic. Même si, de nos jours, après Foucault, on dit des trucs sophistiqués sur le "biopouvoir", j’ai l’impression qu’on reste dans le même moule théorique : chacun-e d’entre nous a des pulsions/envies/désirs (voire même une "ligne d’accroissement de puissance" quand on cause le Tiqqun) et un vilain pouvoir vient nous empêcher de réaliser tout ça en nous réprimant, le salaud. Moi, j’avais l’impression que c’était plus compliqué que ça. 

Vu que ce moule théorique que je voyais me plaisait pas trop, j’ai commencé à essayer de réfléchir sur le sujet. Sur ce blog, j’ai déjà essayé de partager le fil de cette réflexion (par exemple , ou ), et c’est assez facile de voir que cette réflexion a été nourrie plutôt beaucoup par la réflexion féministe et la théorisation des genres en général. En effet, j’ai l’impression que les réflexions les plus abouties sur les mécanismes de (re)production des relations de pouvoir et de domination se trouvent souvent chez des personnes réfléchissant dans un cadre théorique marqué par la réflexion sur les genres. C’est dans ce cadre-là que j’ai découvert que cette fameuse Catharine McKinnon avait publié en 1989 un bouquin qui s’appelle Towards a feminist theory of the state, c’est-à-dire Vers une théorie féministe de l’État. Le titre m’inspirait quelque chose, et les infos que j’ai réussi à chopper sur le net disaient que ce bouquin démarrait sur une tentative de confrontation et de critique mutuelle du "marxisme" et du "féminisme". Hop là, ça m’intéressait, et je me suis donc lancé dans la lecture de ce bouquin.

Vu que j’en ai tiré des choses, j’ai eu envie de faire des notes de lecture pour revenir sur tout ça et approfondir ma réflexion en parallèle. Donc, voilà, je fais essayer d’écrire dans les jours à venir plusieurs notes de lecture sur ce bouquin et comment je l’ai lu. Ça va donc être des notes de lecture, mais aussi une tentative d’avancer sur plusieurs points de mes réflexions, en lien avec le texte de McKinnon. Je ne prétends absolument pas restituer la réflexion de McKinnon en faisant ces notes, et plus il y a aura de lectures différentes faites autour de ce bouquin, plus ça sera intéressant, je crois.

Pour le bouquin proprement dit, il est paru en 1989 dans le cadre d’une thèse en sciences politiques, mais il rassemble plusieurs textes écrits à des périodes différentes, rassemblés et rendus cohérents après coup. Je n’ai pas réussi à trouver de traduction française, je vais donc en bidouiller une, au fur et à mesure des besoins de mes notes. Bon, comme pour toute traduction, je ne garantis rien, je vais essayer de la rendre aussi claire et précise que possible, mais je vais probablement faire des boulettes.

Pour commencer, un petit bout de la préface, petit bout qui décrit le point de départ du livre (le lien vers la page wikipedia sur Adrienne Rich est un ajout de ma part, bien sûr):

Mon intention de départ était d’explorer les connexions, les contradictions et les conflits entre les théories marxistes et féministes de la conscience, théories qui fondent chacune l’approche de l’ordre social et de sa transformation qu’a le marxisme ou le féminisme. En comparant l’idée que ces deux théories avaient de la relation entre les formes physiques et mentales de maintien de la domination, je voulais comparer l’explication féministe de l’assujetissement des femmes, compris selon les mots d’Adrienne Rich en 1972, comme condition "partagée, non-nécessaire, et politique", avec l’explication marxiste de l’exploitation de la classe ouvrière. Je pensais que le mouvement des femmes avait une compréhension de la conscience qui pouvait contribuer à saisir et à affronter la domination sociale.


Bricolage d’une tradition: mon marxisme à moi (III) – problèmes et réflexions

Posted: septembre 30th, 2009 | Author: | Filed under: Marx, marxisme, matérialisme | Commentaires fermés sur Bricolage d’une tradition: mon marxisme à moi (III) – problèmes et réflexions

Il y a des choses qui me travaillent dans la mise en mots de ma tradition marxiste que j’ai fait.

Déjà, il y a cette histoire d’intérêts. J’ai employé ce mot pour caractériser les contradictions collectives qui existent puisqu’il y a domination dans nos sociétés. Je l’ai employé parce que dire que les rapports de domination existent quand des individu-e-s ne sont pas "libres", que leur "volonté" n’est pas respectée ou que leurs "désirs" sont niés, ça me pose problème. Si on commence à vouloir caractériser les rapports de domination en terme de "liberté", de "volonté" ou de "désirs", ça place l’analyse des rapports de domination sous un angle subjectif, comme si ce qui était en jeu, c’était simplement les envies des un-e-s et des autres, et que de toute façon, il faudrait bien trancher d’une manière ou d’une autre vu qu’elles sont incompatibles. Ce qui me plaît en utilisant le mot "intérêts", c’est que ça met en valeur le côté matériel, concret et nécessaire de ce qui est en jeu dans les rapports de domination. Les rapports de domination existent parce que les dominant-e-s tirent des avantages concrets des dominé-e-s, parce que ces rapports rendent la vie des dominant-e-s plus simple, plus confortable. Ce qui est en jeu dans les rapports de domination, c’est l’exploitation et les privilèges, pas une "volonté de pouvoir" qui serait abstraite, naturelle, et qui ferait partie des sombres pulsions de l’humanité.

Cela dit, parler d’intérêts peut aussi amener dans une direction "matérialiste vulgaire" comme disait Marx, qui ferait des "intérêts" d’un groupe donné un ensemble complètement objectif, quantifiable, totalement déterminé par la position du groupe dans la société. Une fois qu’on part dans cette direction, on se retrouve à vouloir mesurer les "intérêts objectifs" d’un groupe, à vouloir déterminer une stratégie pour les satisfaire, et à se plaindre ou à agir contre les pauvres créatures qui n’ont qu’une "fausse conscience", c’est-à-dire qui n’arrivent même pas à se rendre compte de leurs intérêts en tant que classe et à qui il faut botter le cul pour qu’elles comprennent. En gros, on se retrouve à se transformer en stalinien de base, qui "représente les intérêts de la masse" et échafaude constamment des magouilles en prétendant "servir le peuple" ou "la révolution internationale". Toute la logique des avant-gardes diverses et variées du vingtième siècle fonctionnait souvent sur cette capacité à prétendre exprimer les intérêts du groupe que chacune d’entre elles prétendait "représenter".

En réalité, ce mot, "intérêts", ne me plait pas beaucoup. Je l’ai utilisé faute de mieux, dans l’attente d’autre chose. Je l’ai aussi utilisé parce que le préférais mettre l’action sur le côté concret de la domination, en trouvant le risque que quelqu’un-e, en me lisant, me prenne pour une avant-garde, assez faible. Mais il me pose problème ce mot. L’alternative la plus intéressante que j’ai trouvé à ce sujet, c’est l’idée d’attachements, dont Judith Butler, une théoricienne américaine des genres, assez célèbre pour avoir écrit un bouquin qui s’appelle Troubles dans le genre, parle dans un livre qui s’appelle La vie psychique du pouvoir. Dans ce bouquin, elle utilise beaucoup la psychanalyse pour essayer de caractériser le niveau à la fois matériel et intime où se situe, je crois, les rapports de domination. Ce que j’aime bien dans cette idée d’attachements passionnés qu’elle développe dans ce livre, c’est qu’elle exprime à la fois l’implication d’objets extérieurs, de plaisirs, de douleurs, de besoins, mais aussi le fait que cette implication se fait sur un mode intime, à travers la trace que toutes ces choses laissent en nous, à travers leur inscription dans notre monde personnel. En gros, je crois qu’elle montre, et c’est ça qui me plaît, que les rapports de pouvoir qui nous traversent sont à la fois intérieurs et extérieurs à nous-mêmes, ils existent à la fois "dans le monde réel" et "dans nos têtes" (elle ne le dit pas comme ça, hein), ce qui fait que le rapport à ces relations de domination est à la fois collectif, au sens où ces relations impliquent des choses et des interactions qui nous sont extérieures, et intime, au sens où ces relations font partie de ce que chacun-e d’entre nous est et de comment chacun-e d’entre nous est construit. C’est ça qui fait à mon avis qu’on ne peut pas réduire les rapports de domination à de simples déterminations objectives résumables par des statistiques socio-économiques et qu’on ne peut pas non plus en faire de simples actions gratuites et arbitraires déclenchées par les pulsions des dominant-e-s.

Cela dit, la formulation que fait Butler de cette idée d’attachements repose beaucoup sur la psychanalyse, qui n’est pas un langage que je manie très simplement ou qui me met très à l’aise; c’est pour ça que j’ai parlé d’intérêts dans mon texte précédent. Je vais probablement reparler de ces histoires d’attachements et de Butler en général, mais je voulais déjà en parler là pour essayer de préciser des choses.

Parler de Butler amène à un autre point. Butler est une théoriciennedes genres, et une bonne partie de sa réflexion s’inscrit dans lacontinuation et en lien avec le féminisme. Dans ce que j’ai écrit, etque j’ai choisi d’appeller ma tradition marxiste, il y a beaucoup deréflexions et de points importants qui sont amené par le féminisme etla tradition théorique féministe. Le féminisme est un mouvement defemmes et est un mouvement de lutte contre des oppressions quiaffectent les femmes. A partir de là, en tant qu’homme, je me sentiraisassez ridicule à me revendiquer ‘féministe’.Je ne suis pas très sûr de comment je pourrais marquer les apportsdu féminisme dans ma réflexion sans me prétendre féministe. Delphy, uneféministe française dont j’ai déjà cité le nom,parle, elle, pour quelque chose qui est, je crois, assez proche de ceque j’essaie de développer, de "méthode matérialiste", ce qui évited’écraser l’apport du féminisme sous le poids du ‘marxisme’, mais quine me satisfait pas vraiment, étant donné que ce mot de ‘matérialisme’ne me semble pas particulièrement clair et un peu trop philosophique. Là encore, je n’ai pas d’idée magique, mais je voulais en parler plutôt que de glisser la difficulté sous le tapis.

En lien avec tout ça, mais d’une manière assez différente, les prochaines choses que je vais mettre en ligne ici seront des notes de lecture sur McKinnon, une féministe américaine qui s’est coltinée notamment le problème des liens entre tradition marxiste et tradition féministe.

[Mise à jour] Sur cette question d’une alternative au terme "intérêts" qui me pose problème plus haut, j’ai trouvé une idée intéressante. J’ai trouvé cette idée dans le texte de Danièle Kergoat (désolé, j’ai rien trouvé de mieux qu’un lien officiel), une sociologue française, dans Sexe, race et classe, passionnante anthologie de textes théoriques universitaires sur les rapports de dominations et leurs intrications. Kergoat parle de "rapports sociaux […] opposant des groupes sociaux autour d’un enjeu". Elle précise plus loin que ces "enjeux" peuvent être "matériels et idéels". "Enjeux" me plaît bien je crois, et je pense que je vais l’utiliser à l’avenir.


Bricolage d’une tradition: mon marxisme à moi (II)

Posted: septembre 19th, 2009 | Author: | Filed under: Marx, marxisme, matérialisme | Commentaires fermés sur Bricolage d’une tradition: mon marxisme à moi (II)

« […] le marxisme est la tradition théorique contemporaine qui, malgré ses limitations, affronte la domination sociale organisée, l’analyse dans sa dynamique plutôt que statiquement, identifie les forces sociales qui modèlent systématiquement les imperatifs sociaux, et cherche à expliquer la liberté humaine à la fois dans et contre l’histoire. Elle se confronte à l’existence des classes, qui sont réelles. Elle offre tout à la fois une critique de l’inévitabilité et de la cohérence de l’injustice sociale et une théorie de la nécessité et des possibilités de changement. »

(Catherine McKinnon, Towards a feminist theory of the state, ma traduction)

Allez, je commence d’y plonger, dans ma tradition marxiste. Je vais faire une sorte de liste des points qui me semblent importants, des principaux principes qui forment de ce que j’ai choisi d’appeller ‘ma’ tradition marxiste.

1. Partir de la société, du collectif, de l’ensemble. Souvent, dans nos représentations contemporaines, on imagine des petit-e-s individu-e-s un peu paumé-e-s au milieu d’un grand ensemble qui serait la société, le système, le monde, je ne sais quoi. On imagine les individu-e-s comme apparaissant tou-te-s formé-e-s au sein de cette société et devant alors se positionner par rapport à elle comme par rapport à un environnement étranger et mystérieux, à prendre ou à laisser. Par opposition, je vois la société et les différents groupes humains en général comme des organisations complexes, à l’intérieur desquelles des individu-e-s se forment petit à petit à travers des pratiques, des interactions et des expériences collectives. Les individu-e-s sont créé-e-s dans la société et sont profondément lié-e-s à elle, sans qu’on puisse isoler un bout de ces individu-e-s et dire « Ça, c’est la Vraie Nature des individu-e-s, leur Moi profond et primitif que la société n’a pas corrompu avec ses sales pattes ». Ça ne veut pas dire que les individu-e-s n’existent pas, qu’illes ne sont pas important-e-s ou qu’illes ne peuvent pas influencer et transformer la société, l’ensemble dans lequel illes se sont formé-e-s. Simplement, je crois que, même pour regarder sa situation particulière, il faut partir d’un regard global sur les ensembles collectifs dans lesquels on est imbriqué-e.

2. Domination(s) et contradiction(s). Ces ensembles collectifs ne sont pas des organismes harmonieux, équilibrés et justes fonctionnant selon des principes anciens et parfaits. A l’intérieur de ces ensembles, il y a des oppositions et des conflits, entre groupes et entre individu-e-s. Il y a des intérêts différents, et qui sont souvent contradictoires entre eux, c’est-à-dire que l’un ne peut pas être satisfait si l’autre l’est. En pratique, l’un des intérêts en jeu va être satisfait au prix de l’insatisfaction de l’autre intérêt. Donc, il y a domination, domination du groupe porteurs d’intérêts satisfaits dans le cadre donné, qui va s’arranger pour maintenir la situation actuelle qui l’avantage; domination de ce groupe sur l’autre groupe, celui qui porte les intérêts insatisfaits, qui va vouloir transformer la situation. Dans notre société contemporaine, il y a par exemple contradiction et donc domination entre les travailleureuses et les patron-ne-s (le capitalisme), ou entre les hommes et les femmes (le patriarcat).

3. Pas de terrain neutre. De la même manière que les individu-e-s sont lié-e-s à leur société et ne peuvent pas être isolé-e-s d’elle pour être analysé-e-s à part, les différentes sphères d’une société, d’un ensemble collectif, ne sont pas isolables et séparables. Ça veut dire que chaque sphère d’une société est traversée par ce qui traverse la société dans son ensemble, en particulier les relations de domination. Il n’y a pas de lieu de la société, que ce soit la culture, l’art, la science, la famille, le couple ou quoi que ce soit d’autre, qui ne soit pas formé et transformé dans et par les rapports de domination. Ça s’applique aussi aux individu-e-s: nous sommes tou-te-s traversé-e-s par les relations de domination qui traversent notre société, d’une manière ou d’une autre, étant donné que notre construction s’est faite à l’intérieur de cette société, et donc que notre construction a été traversée par les contradictions de cette société.

4. Luttes, résistances. Chaque relation de domination ne va pas sans une résistance constante et irréductible des dominé-e-s. Chacun-e essaie de lutter contre les dominations auquel ille est soumis-e, de tirer le meilleur parti de sa situation, et d’échapper le plus possible à l’oppression avec les moyens dont ille dispose. Nos résistances ne sont pas forcément collectives, elles peuvent nourrir des solidarités ou au contraire rester individuel-le-s et limité-e-s, en fonction des situations de chacun-e, mais aussi en fonction des contextes collectifs et des possibilités de chaque moment. Nos résistances ne sont pas non plus forcément victorieuses, évidemment, et elles n’ont aucune garantie de réussite. Elles peuvent prendre des formes incroyablement variées: flemme, sabotage, refus, grève, violences, folie, magouilles et tricheries, suicide, mensonges, fuite, création manuelle/artistique/littéraire, … L’expérience que nous faisons tou-te-s des dominations est l’expérience des oppressions mais aussi de nos résistances. L’une ne va pas sans l’autre.

5. Combinaison des dominations. Dans une société donnée, il y a rarement une seule et unique domination présente, il y en a en général plusieurs. Etant donné que chaque domination traverse l’ensemble collectif en entier, les dominations se croisent, se rencontrent, se combinent dans les individu-e-s et les groupes. Mieux, étant donné que chaque domination se construit dans un environnement précis qui est déjà traversé par d’autres dominations, les dominations s’influencent et se transforment les unes les autres. On ne peut pas isoler une forme ‘pure’ et abstraite pour une domination donnée et additionner les différentes formes pures de différentes dominations pour arriver et comprendre l’effet combiné de ces différentes dominations. Etre un travailleur homosexuel, ce n’est pas simplement ‘être un travailleur’ + ‘être homosexuel’. Une autre conséquence, c’est que les luttes contre une domination donnée ont aussi une influence sur les autres dominations: on ne peut pas ‘simplement’ lutter contre le capitalisme sans toucher au patriarcat, et inversement.

6. Rapports de forces, transformation et histoire. Les dominations évoluent avec le temps et les différentes resistances qu’y opposent les dominé-e-s. Les résistances des dominé-e-s peuvent être plus ou moins efficaces, et c’est par là qu’évolue le rapport de force entre les dominant-e-s, qui essaient de maintenir leur domination par des moyens qui se renouvellent régulièrement, et les dominé-e-s, qui essaient de renforcer leurs luttes de manière à rendre la position des dominant-e-s intenable, et donc à les forcer à abandonner leur domination. C’est par cet affrontement constant que des dominations disparaissent et que d’autres apparaissent. Ces rapports de forces entre dominant-e-s et dominé-e-s transforment constamment les rapports de domination, et transforment du coup constamment la société en général. L’histoire d’une société, c’est l’histoire de ces rapports de forces et de leur évolution.

7. Bonheur/malheur et privilèges. Dire qu’un groupe en domine un autre, ce n’est pas dire que le groupe dominant est plus heureux que le groupe dominé, qu’il est plus épanoui ou plus joyeux. Il y a des patrons plus malheureux que certain-e-s de leurs salarié-e-s ou des nanas plus heureuses que beaucoup de mecs, ça n’élimine pas l’existence du capitalisme et du patriarcat. Dire qu’un groupe en domine un autre, c’est dire que ce groupe bénéficie de plus d’écoute, d’attention, de respect et de possibilités au sein de la société, c’est dire que les membres de ce groupe sont privilégié-e-s par rapport aux membres du groupe dominé, ce qui ne veut pas dire que tout est automatiquement facile et sans problème pour les dominant-e-s.