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Exploitation

Posted: février 3rd, 2010 | Author: | Filed under: Marx, marxisme, matérialisme | Commentaires fermés sur Exploitation

Dans un précédent texte, j’ai mentionné l’importance des divergences d’intérêts dans l’analyse de la domination. Pour qu’il y ait domination, à mon sens, il faut qu’il y ait des intérêts contradictoires, il faut un enjeu. Je me suis rendu compte que je n’ai pas vraiment dit pourquoi je trouvais ce point vraiment fondamental.

Insister sur cette idée que les rapports de domination se construisent toujours, je crois, autour d’intérêts divergents, autour d’un enjeu donné, c’est mettre en avant les rapports d’exploitation. Si des groupes en dominent d’autres, c’est pour en tirer des avantages, pour obtenir des choses (matérielles ou psychologiques) qui leur facilitent la vie. Ces avantages (ou privilèges), c’est ce qui est en jeu dans les rapports de domination, c’est autour du maintien ou de l’abandon de ces avantages que s’affrontent dominant-e-s et dominé-e-s. C’est pour ça que les intérêts divergent d’un côté ou de l’autre: parce que les dominant-e-s veulent bien continuer à profiter de qu’ils obtiennent des dominé-e-s. Les dominant-e-s s’approprient des choses au détriment des dominé-e-s, exploitent les dominé-e-s pour obtenir ces avantages, et sont prêt à résister pour continuer à maintenir les rapports qui leur permettent d’obtenir ces avantages.

Bon, là, je n’ai fait que reformuler des choses … Mais, en fait, comme me l’a demandé un camarade au cours d’une discussion un peu houleuse autour d’un repas: pourquoi insister tant sur cet aspect des rapports de domination, et pas sur d’autres, comme, par exemple, l’aliénation, la distance à soi et aux autres provoquée par les rapports de domination ? Si ça me paraît aussi important de mettre le doigt sur ces mécanismes d’exploitation, c’est que je crois qu’ils donnent leur logique aux rapports de domination. Je veux dire que le fait qu’il y ait exploitation rend les rapports de domination rationnels et cohérents: si des groupes en dominent d’autres, c’est parce qu’ils en tirent profit, qu’ils obtiennent en faisant ça des avantages concrets qu’ils ne pourraient pas obtenir autrement. J’ai l’impression que si on insiste pas là-dessus, on se retrouve sans explication réelle du pourquoi de la domination, on se retrouve à dire que "les gens" en dominent d’autres parce que "l’Homme est comme ça, c’est sa nature" (ou n’importe quelle autre version à base de "pulsion de domination" ou autres trucs du genre).

Politiquement, donc, je crois que c’est très important, parce que ça nous fait échapper à pleins d’explications en termes "naturels", qui vont souvent être utilisés pour nier la domination, la rendre supportable, justifiable ou tolérable. La domination, c’est un rapport social qui a un sens, des raisons précises, et des mécanismes concrets, c’est n’est pas un truc quasi-mystique, qui est là sans qu’on sache pourquoi, et qu’on ne peut au mieux qu’atténuer, parce que de toute façon, quoi qu’on fasse, "ça a toujours été comme ça". 

Un autre élément, c’est que ça permet d’éviter un point de vue moral (souvent assez proche du précédent) qui ferait des dominations diverses le produit de vilain-e-s méchant-e-s, qui font tout ça uniquement parce qu’illes kiffent rendre leurs pauvres camarades humain-e-s malheureux. Les patron-ne-s exploitent leurs travailleureuses pour se faire du fric qui leur permet de faire certaines choses dans leur vie, pas parce qu’illes ont un mépris fondamental pour celleux qui travaillent pour elleux. Ça peut évidemment arriver que des patron-ne-s méprisent leur employé-e-s, mais ce n’est pas pour cette raison là qu’illes les font travailler pour elleux. Le problème que je vois avec ce point de vue moral, c’est qu’il va souvent être utilisé pour rétablir la paix sociale dans des moments où la barque tangue un peu. Par exemple, dire que la crise actuelle, c’est simplement la faute de ces salopards de financiers cupides, ça permet d’éviter de se poser la question de fond du capitalisme. De la même manière, insister dans les années 30 sur les "deux cents familles qui contrôlent la France" (les salops de gros patrons plutôt que les gentils petits entrepreneurs), ça permettait de devenir réformiste en douceur pour le Parti Communiste (et ça permettait aussi de surfer sur la vague de l’antisémitisme, en comptant les juifs parmi ces familles). Ou encore, le fait de voir tous les problèmes de sexisme et de violence patriarcales dans notre société comme causés par les vilains arabes qui forcent "leurs" femmes à porter la burqa, ça permet aussi d’éviter de se poser la question de l’étendue des violences conjugales dans la France de maintenant.

D’une manière générale, j’ai l’impression qu’analyser la domination en terme d’exploitation, ça permet de rester sur un plan concret, où on essaie de cerner la réalité du rapport de domination, de trouver ces points faibles et forts pour savoir où frapper et quels leviers utiliser. Une fois qu’on a cerné la réalité de l’exploitation, on a cerné l’enjeu du rapport de domination, et je crois que ça aide énormément pour pouvoir se représenter de manière pertinente comment ce rapport marche, évolue, quelles directions il peut prendre, et les points de rupture possible. Je crois bien qu’en abandonnant ça, on se retrouver souvent à tomber dans les deux positions que j’ai essayé de montrer plus haut: la résignation du "ça a toujours été comme ça", ou la moralisation, qui fonctionne à grand coup de boucs-émissaires et de traîtres (socio-traîtres, traîtes à la Nation, et autres …).


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