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Une lesbienne à Damas – Mon voile, mon choix

Posted: mai 1st, 2011 | Author: | Filed under: Traduction(s) | 2 Comments »

(image provenant du blog original Gay Woman in Damascus)

[mise à jour du 14 juin] Ben c’est la loose. Ce fameux blog n’est en fait écrit, ni par une syrienne, ni par une lesbienne, ni par une femme. Du coup, ce texte que j’ai traduit comme rare témoignage sur le voile venant de pays arabes n’a pas trop d’intérêt. En tout cas, si j’avais su, je ne l’aurais pas traduit. J’ai pensé à enlever la traduction, mais bon, autant garder des traces de tout ça. Ça m’apprendra à faire confiance à des inconnu-e-s sur internet tiens 🙂

Il y a un récit de l’histoire en français ici, deux activistes syrien-ne-s parlent de ce que ça leur fait (en anglais), et ei (le site electronicintifada) raconte la recherche (toujours en anglais). Un autre blog d’une féministe ayant participé à l’article d’ei lie ça a d’autres exemples de fabrication d’identité et discute du sujet plus en détail (encore en anglais), et ajoute encore des réflexions ici.

A mon sens, c’est un rappel intéressant de l’incertitude des identités sur internet. Même après des années en compagnie de ce grand machin virtuel, j’ai été surpris d’apprendre que quelqu’un puisse aller aussi loin.

[mise à jour du 6 mai] Depuis l’histoire où elle racontait que son père avait réussi à faire partir la police politique (le deuxième texte d’elle traduit en français), Amina a dû entrer dans la clandestinité (lien en anglais), et sa maison est surveillée constamment par les flics syriens. Alors courage et solidarité à elle, et je souhaite de la réussite à sa révolution (et à nos révolutions futures aussi, au passage). Je laisse ses mots conclure:

Malgré tout, en étant optimiste, aussi sombre que semble être la situation actuelle, le chemin vers la liberté n’a jamais été plus évident ! Notre révolution va l’emporter, nous aurons bietôt une Syrie libre et démocratique. Je le sens dans ma chair. Notre âge d’or est pour bientôt et nous allons à nouveau émerveiller le monde. Nous aurons une Syrie libre et une nation libre, c’est pour bientôt. La révolution va l’emporter et nous allons dépasser le sectarisme, le despotisme, le sexime et toutes les boulets accumulés pendant ces années d’amertume, de division, de partition, d’oppression et de tyrannie. Nous serons libres !

[texte de départ] J’ai croisé au hasard d’Internet un très chouette blog d’une lesbienne syrienne, Amina Abdallah, qui parle de sa vie, de la révolte en cours là-bas et des liens entre les deux. Tous les textes sont intéressants alors, si vous lisez l’anglais, je vous conseille d’aller faire un tour (en fait, entre temps, un autre de ces textes a été traduit en français).

Mais un texte qui m’a particulièrement intéressé est celui où elle parle de son rapport au voile, qui s’appelle « Mon voile, mon choix » (qui se trouve ici). J’ai donc décidé de le traduire pour le partager avec mes camarades francophones, parce qu’il parle aussi de notre colonialisme à nous. Et hop (mes notes de traduction sont entre crochets) !

Mon voile, mon choix (10 avril 2011)

DAMAS – La semaine dernière, le gouvernement syrien a lancé les premières réformes qu’il avait promis. Celles-ci sont… disons que c’est déjà généreux de  parler de mesures limitées: la citoyenneté a enfin été accordée à un grand nombre de Kurdes, un casino a été fermé, et une loi interdisant aux institutrices de porter le niqab, le voile, a été annulée. Pour un grand nombre de lecteurices, cette dernière mesure ne paraît probablement pas très progressiste. Mais elle est, à mon avis, symbolique.

Quand des occidentaux jettent un oeil du côté du Moyen-Orient et des autres sociétés musulmanes, une des premières choses qui les frappent est souvent le grand nombre de femmes voilées. Le fait qu’une femme couvre ses cheveux en public est souvent vu à l’Ouest comme un signe d’oppression, certains occidentaux allant même jusqu’à parler « d’apartheid de genre« . Est-ce le cas ?

Je pense personnellement que non. Je considère depuis longtemps être une féministe et être quelqu’une qui croit aux droits humains et à l’égalité de tou-te-s. Mais je suis aussi une Arabe et une musulmane, et j’ai porté le voile, pas juste une fois ou deux, mais chaque fois que j’ai été en public pendant plus d’une décennie de mon existence. Personne ne m’a poussé à le porter, c’est quelque chose que j’ai choisi.

Pendant mon adolescence, j’ai grandi à cheval entre deux cultures: celle de l’année scolaire, quand j’allais dans un lycée public du sud des Etats-Unis, et celle de la maison et de l’été, quand je retournais à Damas. J’étais un peu rebelle, un peu forte-tête, et un peu perdue. Je faisais face à beaucoup des problèmes classiques des jeunes femmes: j’ai combattu mon anorexie, une dépression sévère, mes interrogations et mes doutes sur mon identité de genre et de sexe, et le stress de passer d’un monde à un autre.

Un jour d’été particulièrement chaud, je suis montée sur le toit de notre maison à Damas et j’ai pensé à me jeter dans le vide. J’avais beaucoup de problèmes qui semblent ridicule maintenant mais que je trouvai, du haut de mes presque 16 ans, insurmontables, et tout ça me déprimait. M’écraser sur la chaussée, en bas, me semblait être une idée raisonnable.

Mais je ne l’ai pas fait. J’ai soudainement été envahie par le sentiment que ma vie valait plus que ça et que quoi qu’il arrive, il y avait un pouvoir supérieur, un Dieu de l’Univers, qui s’occupait de tout et qui était responsable de tout ce qui se passait. Le monde autour de moi s’est mis à rayonner d’une lumière bleutée et tous mes problèmes ont paru disparaître. Je ne me suis pas suicidé … à la place, je me suis mis à crier « اشهد ان لآ اِلَـهَ اِلا الله و أشهد ان محمدا رسول الله » [« Je déclare qu’il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu et que Mohammed est son prophète« : c’est la shahada, la déclaration de foi musulmane de celui ou celle qui se convertit à l’islam].

Je suppose que si j’étais chrétienne, on pourrait dire que ce qui m’est arrivé, c’est de « renaître » [référence aux chrétiens born-again, qui sont censé-e-s « renaître » dans la religion]. Bien que j’avais été éduquée à devenir une musulmane et que j’ai appris à prier dans une maison pratiquante, on ne pouvait certainement pas me qualifier de pieuse: comme beaucoup d’adolescent-e-s qui teignent leur cheveux en bleu, écoutent du punk et lisent trop, j’étais à peu près agnostique. Tout ça a changé à ce moment là, quand j’ai senti la présence de Dieu.

Après ça, j’ai très rapidement voulu montrer à l’extérieur ce que j’avais accepté à l’intérieur. Je n’avais jamais mangé de porc, mais à partir de ce moment, je me suis mis à ne plus manger que de la viande « saine », hallal. J’ai essayé de prier cinq fois par jour, aux heures prescrites. J’ai vraiment jeûné pendant le Ramadan. Je faisais savoir au monde entier, de toutes les manières possibles, que j’étais une musulmane dévote. J’ai commencé à me couvrir la tête non seulement pendant la prière (comme moi et ma mère l’avions toujours fait), mais à chaque fois que j’étais en public. D’un seul coup d’oeil, on pouvait savoir que j’étais musulmane.

Ce fameux jour, j’ai donc noué un foulard autour de ma tête quand j’ai quitté la maison. En le portant, je me suis senti plus forte en marchant dans la rue. Pas de regards inquiétants de la part de vieux, mais des sourires agréables et des hochements de tête de passant-e-s. Les autres femmes voilées me reconnaissaient automatiquement comme l’une des leurs. J’ai tout de suite eu l’impression d’appartenir à une sororité internationale d’élite de femmes.

J’ai progressivement amélioré mon voilage dans les jours et les semaines qui ont suivi tandis que je devenais plus adroite à nouer mes cheveux et à les dissimuler avant se sortir. Le voile était comme un passeport pour un monde nouveau, j’étais soudainement recrutée par une sororité d’élite de femmes musulmanes, travaillant à améliorer moralement la société. Dans cette sonorité, j’ai trouvé de la camaraderie, de la camaraderie spécifiquement féminine et une meilleure amie. Ma foi et mon engagement grandissaient de plus en plus.

Je suis retournée aux Etats-Unis. Mes parents étaient perturbé-e-s par mon nouveau style: la fille au look goth qui était partie en Syrie il y a quelques mois revenait en femme musulmane (j’avais aussi grandi d’une bonne dizaine de centimètres pendant l’été). Je savais qu’illes n’étaient pas sûr-e-s de comment réagir à ça: d’un côté, illes étaient certainement content-e-s que je sois moins « troublée » et plus pieuse (comme le seraient tous les parents); d’un autre côté, ils n’aimaient pas particulièrement que je me démarque comme ça en Amérique.

Je me suis retrouvée dans une nouvelle école, et moi et ma cousine (qui avait aussi commencé à se voiler) avons commencé à essayer de recréer la sororité musulmane que nous avions connu à Damas. Nous n’étions que deux au départ, mais nous avons très vite construit un cercle d’adolescentes musulmanes, un cercle où nous incitions à la religiosité et à la dévotion. En parallèle, nos tenues sont devenues de plus en plus conservatrices. Au départ, nous portions des jeans et des t-shirts à manches longues avec nos voiles. Un nouvel été en Syrie nous amena à nous habiller de manière complètement religieuse: de longs manteaux unis avec des voiles soigneusement noués, pas de maquillages du tout … Ma meilleure amie de Syrie nous guidait à chaque étape (elle était plus âgée et plus expérimentée) et on ressemblait à de vraies dévotes au moment où elle s’est décidée à nous rendre visite.

Etre une femme musulmane stricte dans un lycée d’un quartier résidentiel des Etats-Unis n’allait, bien sûr, pas sans difficultés. Nous nous faisions un principe de ne jamais sortir avec des garçons et d’avoir le minimum possible d’interactions avec eux (C’était bien entendu plus facile pour certaines d’entre nous que pour d’autres. Je me rappelle avoir sérieusement fait la leçon à une jeune femme qui avait tenu la main d’un garçon.). Nous harcelions les magasins musulmans qui vendaient de l’alcool et de la pornographie. Nous agissions et nous nous construisions en groupe. C’était valorisant et ça nous donnait de la force.

Mon voile était pour moi le symbole de cette force. J’avais été une petite chose effrayée et fragile, j’étais maintenant une forte-tête, grande gueule, téméraire et audacieuse. Je répondais aussi facilement aux profs qu’aux musulman-e-s égaré-e-s.

Je n’étais bien sûr pas la seule: à cette époque, le nombre de femmes musulmanes se voilant a explosé. Pendant mon enfance en Syrie, peu de femmes se couvraient. Une fois, la police politique s’est même imaginé devoir supprimer ça complètement, au nom de leur volonté d’imposer la laïcité à la française: ils ont commencé à stopper les voitures contenant des femmes voilées, avant de sortir les femmes des voitures et de les forcer à enlever leur voile au bord de la route. Ce type d’attitude n’a fait que renforcer la méfiance vis-à-vis de la police politique et raviver les mémoires du gouvernement colonial. Pendant le Mandat français [de 1920 à 1944, période pendant laquelle les français ont gouverné la Syrie à la suite d’un partage colonial issu de la première guerre mondial], un gendarme avait un jour enlevé de force le voile de ma grand-mère pour essayer de l’embrasser alors qu’elle se baladait seule dans la rue. Ce type de comportement avait été à l’origine des soulèvements nationalistes et, quand j’étais enfant et que le gouvernement Syrien s’est mis à agir de la même manière, les musulman-ne-s syrien-ne-s se sont soulevé-e-s.

A la fin des années 80, le gouvernement va finalement arrêter d’imposer sa vision de comment les femmes sont censées s’habiller, et de plus en plus de femmes vont commencer à s’habiller de manière islamique. Le renouveau islamique va commencer à se répandre un peu partout dans les pays arabes. Il va se répandre plus lentement en Syrie qu’ailleurs à cause de l’hostilité du gouvernement à son égard, mais il va avoir lieu quand même. Un nombre croissant de femmes vont choisir d’envoyer un message subtil de résistance à l’oppression de l’état par l’intermédiaire de leurs vêtements. Nous étions qu’une petite minorité quand j’ai commencé à me voiler, mais s’habiller « islamiquement » est devenu de plus en plus courant au fil des années. Ce qui était une position politique audacieuse est devenu banal de nos jours. Evidemment, les modes strictes du passé se mélangent maintenant à des looks classes et à des hijab [un des nombreux synonymes du voile] sexy …

Celles qui voulaient envoyer un message religieux clair se sont mises à aller plus loin: alors qu’à une époque, un simple voile signalait une femme religieuse, de nouvelles tenues plus sévères étaient nécessaires maintenant que le voile était devenu standard. Des femmes qui avaient vécu dans les pays du Golfe ont ramené avec elles un port plus strict du voile à leur retour en Syrie. Certaines femmes qui voulaient affirmer plus fortement leur religiosité se sont emparées de ce nouveau style: ma cousine, par exemple …

En ce qui me concerne, mes idées ont changé pendant cette période. J’ai décidé d’étudier les versets du Coran qui parlent du voile. Je me suis demandé pourquoi on se voilait. Est-ce que le but est, comme nous le pensions pendant mon adolescence, de montrer qu’on est pratiquante ? Mais si c’est le cas, que faire pour montrer sa dévotion à Dieu dans une société musulmane ? Et, à ce moment là, pourquoi les hommes musulmans pensent que le droit des femmes à se voiler est une nécessité dans les pays à gouvernement extrêmement laïque, comme dans certains pays musulmans ou en Occident ? Il y a des codes vestimentaires pour les hommes dans l’Islam, mais ils sont moins évidents. Clairement, c’est beaucoup demander aux jeunes femmes que de leur faire porter l’emblème de la communauté …

Je me suis alors rendu compte qu’on se voilait pour une toute autre raison, qu’on se voilait pour montrer sa modestie, son humilité. Chercher à afficher sa religiosité n’est clairement pas une marque d’humilité. Et si on se voile sans être une femme particulièrement dévote et chaste, n’est-on pas en train de se moquer de la modestie qu’on est censée revendiquer en se voilant ?

J’ai donc arrêté de me voiler et, de nos jours, je ne le porte plus qu’au moment de la prière, quand il fait froid ou que la situation l’exige.

Cela dit, rétrospectivement, je considère toujours que ma décision de me voiler était un acte fondamentalement féministe. Aucun homme, que ce soit mon père, mon frère, mon mari ou un imam n’a m’a poussé à me couvrir et aucun ne m’a poussé à me découvrir. Ça a été ma décision dans les deux cas, quelque chose qui s’est passé entre moi et mon Dieu (un Dieu qui dépasse et transcende les genres). Quand j’entend des hommes, qu’ils soient des démagogues racistes en Europe et aux Etats-Unis ou des prêcheurs fondamentalistes d’extrême-droite en Iran ou en Arabie Saoudite, dire que ce que je mets ou pas sur ma tête est de leur ressort, ça me met en colère. Je suis en colère quand un de ces groupes de vieux croûlants essaie de dire aux femmes ce qu’elles doivent faire. Je suis fatiguée de voir ces hommes se battre sur le dos des femmes musulmanes, sur nos corps, en prétendant que nous n’avons pas le droit à parole à ce sujet.

Dans mon cas et dans le cas des femmes de mon entourage, personne ne nous a poussé à nous couvrir, et personne ne nous a poussé à nous découvrir. Notre tête, notre choix !


2 Comments on “Une lesbienne à Damas – Mon voile, mon choix”

  1. 1 Name said at 19 h 47 min on juin 13th, 2011:

    La lesbienne dont vous nous \murmurez\ sa condition pitoyable n’est qu’un HOAX un canular, en faite Amina n’est qu’un American eh oui un homme:il s’appelle Tom MacMaster et son imagination a bel et biçen dépassé les bornes..Alors vos propos et vos nécissitent une petite révision surtout la photo!

  2. 2 murmures said at 12 h 36 min on juin 14th, 2011:

    Oui, j’ai découvert ça il y a quelque jours, mais je n’avais pas pris le temps de faire une mise à jour. C’est fait maintenant, mais je ne crois pas que ça méritait un ton pareil, surtout qu’en terme de « propos » de ma part, il n’y a pas grand chose dans ce post 🙂