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And now, for something completely different … (ou: passons à autre chose)

Posted: mars 29th, 2010 | Author: | Filed under: Etudions le capitalisme | Commentaires fermés sur And now, for something completely different … (ou: passons à autre chose)

Je crois que je vais commencer à faire quelque chose d’assez différent de ce que j’ai fait jusqu’ici. Différent mais lié quand même hein, je vais pas non plus commencer à causer de choses n’ayant aucun rapport avec ce que j’ai mis en ligne ici précédemment 🙂

J’ai envie d’essayer de me plonger (un peu, dans les limites de mes capacités) dans l’analyse de l’évolution des modes de productions capitalistes contemporains, ceux qui sont en train de se forger là maintenant dans notre quotidien. Ça fait longtemps que ça me trotte dans la tête. Je l’ai dit en faisant mes notes sur Tiqqun, j’ai l’impression qu’il y a un gros manque d’analyses concrètes des transformations actuelles du grand méchant capitalisme. Les généralités sur l’Empire ou le Spectacle, ça fonctionne un moment pour construire des ruptures, mais j’ai tendance à trouver ça un peu court au final, et je crois que ça handicape nos possibilités de prises concrètes sur les réalités sociales. Parce que, en ce moment, le capitalisme change et se réorganise, et dire des choses assez génériques sur l’Empire nous aidera pas forcément à saisir ce qui se passe et à discerner les futurs enjeux.

Histoire de partir de ce que je connais un peu, j’ai commencé depuis quelques mois à me creuser la tête sur les transformations qui, je crois, ont lieu dans le champ de la production intellectuelle ces derniers temps. Historiquement parlant, chez les marxistes, on aime pas trop parler de ça. A l’époque de Marx, l’ensemble des professions intellectuelles était assez peu peuplé, et ses membres (universitaires, journaleux, écrivains, …) appartenaient clairement à la bourgeoisie: revenus élevés, fréquentations de cercles bourgeois urbains, public restreint et bourgeois lui aussi, … A partir de là, la nécessité de penser à eux autrement que comme une excroissance du capitalisme n’était pas évidente. De là, je crois, la vieille habitude issue du XIXème siècle de traiter le travail intellectuel comme n’étant pas du vrai travail, comme étant du travail parasitaire, non-productif, au service de la bourgeoisie (ça va d’ailleurs poser des problèmes à partir de 68: que dire des mouvements étudiants ?). 

Mais, avec le temps, la situation a commencé à évoluer: avec le développement dans les pays occidentaux d’une éducation primaire massive, il va y avoir la création de journaux et de médias populaires ne s’adressant pas forcément aux élites, et, au fur et à mesure, la naissance d’un vrai marché culturel et intellectuel, massif et diversifié. Il est clair que la situation n’a rien à voir entre un XIXème siècle ou plus de la moitié de la population ne savait pas lire et un XXIème, où la lecture (ne serait-ce que de journaux gratuits, de quotidiens ou de sites internet) est une activité presque quotidienne pour une majorité de gens, sans parler de la consommation d’autres produits culturel ou intellectuels (télé, radio, cinéma, musique, …). On y pense peu, mais la propagande politique a (par exemple) beaucoup changé, passant d’affiches très visuelles et graphiques à des textes plutôt recherchés (ce livre est très bien, paraît-il, là-dessus, si quelqu’un-e l’a lu).

Plus largement, la quantité de boulots comportant une part de travail intellectuel a beaucoup augmenté (rien qu’avec les métiers de l’éducation, on arrive à un pourcentage de la population salariée qui est loin d’être ridicule) et, au delà des grandes phrases sur le "capitalisme cognitif" ou la "société de la connaissance", quelque chose d’important se produit à ce niveau là ces dernières années. Cela dit, savoir de quoi on parle dans tout ça n’est pas très clair, étant donné qu’il y a des processus très différents qui se jouent simultanément sans qu’ils soient identiques les uns aux autres. Par exemple, dans les grandes phrases sociologiques sur la "société post-industrielle", on va souvent parler de l’extension des "services" en général, mettant dans le même sac l’industrie du jeu vidéo, les sociétés de livraison de pizzas et la sous-traitance par les grosses boîtes, ce qui pose certainement problème. En plus, comme d’habitude, la transformation des modes de production bouleverse un peu nos catégories, et savoir ce qui relève d’un travail intellectuel ou pas devient de plus en plus complexe avec le temps. Mais je crois qu’il y quelque chose de pertinent là, dans le fait (par exemple), que les compagnies ayant le mieux resisté à cette fameuse crise ont été des compagnies "nouvelles technologies", genre Apple ou Intel, que les énormes tentacules de nos vieilles entreprises de BTP préférées (genre Vivendi ou Bouygues) s’étendent de plus en plus dans cette direction ou qu’un énorme groupe de média dirigé par un vieux réac joue un rôle aussi important dans la politique américaine. 

C’est pour ça que ce que je vais essayer d’écrire ce qui sera plus une exploration qu’autre chose, une manière d’explorer les liens entre des processus contemporains que je crois liés. Peut-être qu’en explorant ces liens, je me rendrais compte que mes hypothèses de départ étaient un peu foireuses. Chemin un peu bizarre alors, qui va me mener je sais pas où, mais que j’ai envie de tenter, parce que je crois qu’il y a des choses à dire et à trouver par là. 

Des hypothèses de départ, j’en ai quelques unes. La première, que ça n’a pas de sens à chercher à faire le tri, à la manière marxiste-léniniste traditionnelle, entre des marchandises qui seraient utiles, vitales, qui répondraient à de vrais besoins (bouffe, vêtements, …) et des marchandises futiles, pas nécessaires, qui reposeraient sur des besoins artificiels créés par le capitalisme. C’est comme ça qu’on évacue en général les questions liées au travail intellectuel chez les léninistes traditionnels, en éliminant des catégories de production entières comme "bourgeoises" ou "capitalistes", sous-entendu: ça n’existera plus après la révolution quand les vrais besoins naturels humains seront satisfaits par le socialisme. Je crois que cet argument sert souvent d’excuse pour éviter la difficulté d’analyse qui se présente pour étudier ça à partir du cadre marxiste-léniniste orthodoxe. La deuxième est liée à la première: toutes ces marchandises intellectuelles sont produites, sont le fruit d’un processus de production qui est du même ordre que la production matérielle. Je ne vois pas de raison de ne pas employer les bonnes vieilles catégories liées au travail pour parler de ce processus sous prétexte qu’il n’est pas matériel: il y a des marchandises produites dans des lieux de productions par des travailleureuses, que les biens produits soient matériels ou pas. 

Ma troisième hypothèse n’en est pas vraiment une, elle est plutôt mon axe de recherche: je crois qu’en ce moment se produit une industrialisation de la production intellectuelle. Industrialisation, c’est-à-dire une transformation du mode de production allant vers le sens d’un contrôle accru des capitalistes (c’est-à-dire des patrons) sur les conditions de travail par la centralisation du processus de production dans un espace unique et une appropriation plus grande des moyens de productions par les capitalistes, de la même manière que ce qui c’est produit pour la production matérielle au XIXème siècle (je reviendrais là-dessus). Les corollaires pour les travailleureuses: cadences plus contrôlées, processus de travail plus rigide, spécialisation plus grande et perte d’autonomie. Je crois que pas mal des mouvements étranges qui se passent autour des nouvelles technologies en ce moment peuvent être compris selon cet angle.

Qui dit industrialisation dit usine(s). Quelle(s) usine(s) ? Internet. Je crois qu’internet est le lieu actuel de cette industrialisation, que, loin d’être un espace de diffusion, comme la télé, le cinéma ou le radio, il est un espace de production, est qu’un des clés pour comprendre son rôle dans le monde actuel est de l’analyser en tant que tel. Plus largement, je crois que l’informatique en général est l’outil majeur de cette industrialisation du travail intellectuel, un peu comme les jennies ont pu être un des outils majeur de l’industrialisation du XVIII/XIXème siècle. Je commencerais donc cette exploration en parlant d’internet et de l’informatique en général, mais je compte bien aller dans d’autres directions (probablement parler des mouvements dans l’éducation, de l’industrie de la "sécurité", que je vois assez lié à ça, …). En espérant que j’arrive jusqu’au bout 🙂


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